Un enfant dont la mère souffre d’anxiété généralisée présente un risque deux fois plus élevé de développer des troubles anxieux, comparé à celui d’un père atteint du même trouble. Pourtant, certaines études identifient des transmissions paternelles plus discrètes, mais tout aussi marquantes, notamment par le biais de comportements ou de silences répétés.
L’hérédité génétique n’explique pas tout. Les traumatismes familiaux, parfois ignorés ou tus, se transmettent de manière invisible mais persistante, modifiant la façon dont l’enfant perçoit et gère ses propres émotions face au stress.
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Secrets de famille et transmission de l’anxiété : ce que révèlent les études
Dans les lignées familiales, l’anxiété ne se contente pas de circuler par l’ADN. À chaque génération, elle s’invite dans le quotidien, portée par ce que l’on tait bien plus que par ce que l’on dit. Les travaux du psychiatre Serge Tisseron, reconnus en France, montrent combien les secrets familiaux façonnent l’atmosphère émotionnelle des foyers. Un silence prolongé, une histoire dissimulée, un traumatisme jamais nommé : ces éléments s’insinuent dans la vie des enfants, souvent sans qu’on s’en aperçoive.
La transmission s’opère à travers des gestes, des attitudes, des regards lourds de sens. Dans de nombreuses familles, la mère, plus présente au quotidien, transmettrait davantage l’anxiété, surtout aux filles, comme le confirment plusieurs études menées à Paris. Mais le père n’est pas absent de ce processus : ses silences, ses propres blessures non dévoilées peuvent peser tout autant. La tension se propage alors, indifférente au genre, tissant entre les membres une sorte de continuité anxieuse, difficile à briser.
Voici les principaux mécanismes mis en avant par la recherche :
- Transmission génétique et émotionnelle
- Secrets de famille : poids des non-dits
- Influence asymétrique mère / père
La notion de “parents enfants” prend ici toute sa dimension. En héritant de ce climat émotionnel, les enfants se retrouvent parfois prisonniers de peurs qui ne leur appartiennent pas vraiment. En France, les chercheurs observent l’influence durable des histoires cachées, parfois sur plusieurs générations, sur le bien-être psychique des enfants, qu’ils soient filles ou garçons.
Hérédité ou environnement : d’où vient vraiment l’anxiété chez l’enfant ?
La question traverse les familles depuis des décennies : l’anxiété se transmet-elle par le patrimoine biologique ou par le climat familial ? Les scientifiques distinguent aujourd’hui deux axes majeurs. Le premier : la génétique. Certains enfants portent en eux une sensibilité particulière, liée à des gènes impliqués dans la gestion du stress et de l’humeur. Plusieurs études, réalisées à Paris et en Europe du Nord, identifient des marqueurs génétiques qui rendent certains plus vulnérables que d’autres.
Mais l’environnement familial pèse tout autant. Les premières années, rythmées par la proximité avec les parents, s’avèrent déterminantes. L’attitude des adultes face aux difficultés, leur façon d’exprimer ou non leurs inquiétudes, façonne l’enfant en profondeur. Un parent anxieux, même sans paroles, influence la manière dont l’enfant va réagir au stress. Les événements marquants comme un divorce, un deuil ou un déménagement laissent des traces durables dans l’équilibre émotionnel des plus jeunes.
Pour éclairer ces influences, on peut distinguer :
- Transmission génétique : prédisposition inscrite avant la naissance
- Influence de l’environnement familial : modèles, interactions, ambiance émotionnelle
La fonction parentale se révèle alors complexe : elle ne se résume ni à une donnée biologique, ni à une simple question d’éducation. Elle englobe l’histoire familiale, la qualité des liens, la gestion des conflits et la sexualité. Chez certains enfants, l’anxiété apparaît dès l’adolescence, parfois même plus tôt, selon la combinaison unique de facteurs propres à chaque famille.
Quand les traumatismes parentaux marquent les générations suivantes
L’anxiété ne connaît pas de limite temporelle. Les blessures psychiques d’un parent, même anciennes, laissent des marques qui peuvent traverser le temps et atteindre les enfants, ou même les petits-enfants. La recherche en santé mentale s’intéresse de près à ce phénomène de transmission transgénérationnelle des traumatismes. Une grossesse vécue dans l’angoisse, un accouchement difficile, des séparations prolongées : tout cela imprime sa marque sur le bébé, parfois dès la naissance. Le corps de la future mère devient, pendant la grossesse, la première passerelle de ce passage invisible.
Chaque semaine, la clinique voit défiler ces histoires tues, ces secrets familiaux qui pèsent sur la construction émotionnelle des enfants. Un père marqué par la perte de son propre parent, une mère fragilisée par une dépression post-partum, ou une sœur dont l’anorexie bouleverse la dynamique familiale : ces expériences, si elles restent enfouies, s’expriment autrement, crises d’angoisse, peurs inexpliquées, troubles anxieux. Les enfants, très sensibles à ce qui ne se dit pas, absorbent ces inquiétudes par tous leurs sens.
Le psychiatre Serge Tisseron a théorisé le concept de fantôme familial pour décrire la persistance de certains symptômes chez les descendants. Au sein de la famille, un drame ancien peut continuer à se rejouer, parfois à bas bruit, d’une génération à l’autre. Chacun porte alors une part du fardeau, souvent sans même savoir d’où il vient. L’héritage est autant psychique que biologique, et vient façonner la relation des enfants à l’angoisse, à la séparation, à la vie elle-même.
Accompagner un enfant anxieux : pistes concrètes pour briser le cycle
Face à l’angoisse de leur enfant, de nombreux parents se sentent impuissants. Pourtant, il existe des moyens d’agir pour rompre le cercle de la transmission anxieuse, qu’elle vienne du père, de la mère, ou des deux. Derrière l’anxiété, ce sont souvent des peurs anciennes, parfois partagées par toute la famille, qui s’expriment. Des approches validées scientifiquement peuvent aider à alléger ce fardeau.
Voici quelques pistes concrètes, reconnues par les praticiens et la littérature spécialisée :
- La thérapie cognitive et comportementale (TCC) fait ses preuves auprès des enfants anxieux. Elle les aide à repérer leurs pensées automatiques anxiogènes, puis à les transformer peu à peu. Souvent, un travail est mené avec les parents, pour ajuster les réactions et éviter la surprotection qui nourrit l’angoisse.
- La thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) propose un autre chemin : apprendre à accueillir les émotions difficiles, sans se juger ni chercher à les fuir, tout en agissant selon ses propres valeurs malgré la peur.
- Dans certains cas, la thérapie d’exposition s’avère incontournable. Elle consiste à affronter, de façon progressive et sécurisée, la source de l’angoisse pour diminuer la réaction anxieuse au fil du temps.
À Paris, des spécialistes observent également les effets positifs de la méditation de pleine conscience chez l’enfant. Cet exercice d’attention aide à calmer les pensées envahissantes. Les parents sont impliqués dans le processus : en identifiant leurs propres comportements anxieux, ils jouent un rôle clé dans l’apaisement de la dynamique familiale. Les ouvrages de référence, notamment publiés aux éditions Puf, rappellent l’importance de la fonction miroir des adultes : lorsqu’un parent ose exprimer ses peurs sans tabou, il donne à l’enfant la permission d’en faire autant.
L’anxiété familiale n’est pas une fatalité. Lorsque les parents lèvent le voile sur leur histoire, osent nommer ce qui pèse, et s’engagent dans une démarche de soutien, ils offrent à leur enfant la possibilité d’écrire une nouvelle page, affranchie des chaînes invisibles du passé.
